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Le droit d’auditionner de l’expert désigné pour risque grave s’impose à l’employeur

Cass. Soc. 10 juillet 2024, n°22-21.082

Par un arrêt estival, la Chambre Sociale de la Cour de cassation précise les prérogatives dont est doté un expert habilité désigné pour risque grave.  

Dans les faits de l’espèce, le CHSCT (à l’époque) d’un établissement hospitalier a décidé de recourir à l’intervention d’un expert agréé dans le cadre d’une expertise, sur le fondement de l’ancien article L.4614-12 1° du Code du travail, pour risque grave révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel. Dans ce cadre, le coût prévisionnel de l’expertise comportait l’audition par l’expert de 70 membres du personnel.

Afin notamment d’obtenir la réduction du coût de l’expertise, incluant ce temps d’audition, l’employeur a saisi le Président du Tribunal judiciaire qui l’a débouté de ses demandes.

C’est dans ce contexte que l’employeur a formé un pourvoi en cassation en soutenant notamment que l’expert ne dispose d’aucun pouvoir d’audition des membres du personnel de l’entreprise.

En réponse, la Cour de cassation a suivi la position du Président du Tribunal judiciaire et affirmé que l’expert désigné dans le cadre d’une expertise pour risque grave, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d’obtenir l’accord des salariés concernés.

Elle ajoute qu’en cas de contestation par l’employeur, il appartient au juge d’apprécier la nécessité des auditions prévues par l’expert au regard de la mission de celui-ci.

Ainsi, même si l’employeur ne peut s’opposer au droit d’audition de l’expert, il peut néanmoins contester le nombre d’auditions et la nécessité de chacune, eu égard aux circonstances de l’espèce.

Cette décision de la Cour de cassation fait écho à un arrêt rendu par la Chambre Sociale le 28 juin 2023 (n°22-10.293) à l’occasion duquel, cette fois-ci, il a été considéré que l’employeur pouvait valablement s’opposer à l’audition du personnel par l’expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Il résulte de la lecture combinée de ces deux décisions récentes, que la faculté donnée à l’expert d’auditionner les salariés de l’entreprise, est appréciée différemment en fonction de la nature de sa mission et du cadre de sa désignation. Ces précisions inédites permettent ainsi de mieux cerner les contours exactes des prérogatives de l’expert désigné.